Symbiosis : le tarot

Symbiose – Du grec ancien συμβίωσις, sumbiōsis (« vie en commun »)

Nous sommes toustes des êtres de symbiose. Notre corps est en contact permanent avec son environnement grâce à ses sens. Ils sont des capteurs, des antennes que nous activons et, grâce au langage, que nous pouvons traduire en mots. En donnant sens à ces expériences, nous articulons des connaissances et nous les transmettons. Elles deviennent des mythes, des récits, des contes, des fables que nous tissons et partageons, des liens qui nous connectent les un·es aux autres pour former une grande toile vibrante et vivante. C’est là que Symbiosis prend source. 

Symbiosis se nourrit de ces polyphonies, de ces entrelacs d’expériences sensibles partagées et transmises au fil du temps. C’est un médium, un moyen de communication et de communion, pour unir et réunir les fragments. C’est un jeu qui se recompose en permanence entre les mains de celleux ou cellui qui le rencontre. Il propose de donner voix à d’anciens récits et/ou en nourrir de nouveaux. Quel sera le vôtre ?

Les arcanes majeures de symbiosis imprimée en risographie par Harry Studio

1ère édition – Les arcanes majeures

La pochette des arcanes majeures de symbiosis sérigraphiée par Roberta Miss

Cette première édition est imprimée en 50 exemplaires en risographie, un procédé inspiré de la sérigraphie qui utilise des encres à base de soja et de riz. Elle est imprimée par Ronan Detrez (Harry Studio à Schaerbeek). Les pochettes ont quant à elles été sérigraphiées par Roberta Miss à Forest. Ce jeu, entièrement artisanal, est donc une symbiose de savoir faire. 

Les 22 arcanes majeures sont accompagnées d’un petit livret explicatif. Il présente la genèse du projet, une brève histoire du Tarot de Marseille et propose quelques idées de tirages. Des poèmes accompagnent chacune des arcanes pour vous aider à interpréter les cartes.

Sur les 50 jeux, 25 exemplaires sont pelliculés (plastifiés) et les 25 autres sont imprimés sur du papier épais. Vous pouvez ainsi choisir si vous le souhaitez pelliculé ou non en fonction de votre utilisation. Si vous tirez régulièrement les cartes, je vous conseille la version pelliculée.

Il n’y a plus d’exemplaires disponibles en ligne ! Il ne reste que 2 exemplaires de chaque (normal et pelliculé) que vous pouvez retrouver chez Kuuutch, à Brest.


Le procédé

J’ai gravé chacune de ces cartes dans du linoléum, une matière naturelle qui se compose de farine de bois, de farine de liège, de résines, de minéraux, d’huile de lin et de pigments naturels. J’ai appris cette technique grâce à Monica Reygaerts lors des cours du soir que j’ai suivis à l’Académie de Beaux-Arts de Bruxelles. J’ai utilisé une encre à base d’huile et de pigments qui se nettoie à l’eau. J’ai également gravé les détails et les chiffres dans des gommes sous forme de tampon.

Le mât et le verso des cartes en risographie

À propos

Je m’appelle Elise, Olive et Lilas sont mes deuxième et troisième prénoms. Ça forme EOL, comme le maître grec des vents avec qui je prends grand plaisir à faire alliance.

Je suis musicienne et compositrice. À la fin de ma formation en médiation culturelle et métiers du livre, j’ai mené une étude sur la place des femmes dans les musiques électroniques qui m’a éclairée sur la portée politique de mes expériences. Je l’ai présentée à l’occasion de plusieurs rencontres, publications et conférences. J’ai co-fondé Scivias, une plateforme qui agit pour un secteur musical plus inclusif en Fédération Wallonie-Bruxelles. En 2021, j’ai créé le blog « la mante des eaux » avec l’envie de faire symbiose, de partager les différentes ressources que j’avais récoltées au fil de ces expériences. Je le considère comme un compost, un terreau auquel les visiteurices peuvent se nourrir. 

Je suis enchanteresse. La musique, la pratique plastique et le chant sont des outils que j’utilise pour cultiver l’enchantement. Mes chants sont ainsi écrits pour être chantés et partagés collectivement. Je m’inspire des saisons, des cycles lunaires et de la temporalité des arbres.

Le tarot de l’incarnation

Pour créer ce jeu, j’ai suivi une formation auprès de la tarologue A.J. Ausina. Du printemps à l’automne 2022, j’ai accompagné mon quotidien de l’apprentissage des arcanes majeures, rencontrant chacune d’elle le temps d’une semaine et parfois plus. J’ai pu me nourrir de ce savoir précieux transmis avec justesse et passion par AJ. J’ai ensuite proposé ma propre interprétation de chacune de ces cartes en les liant à mon expérience propre. Certaines cartes reflètent donc Le Tarot de l’incarnation, un véritable trésor que je vous invite à découvrir. Merci à AJ pour ce merveilleux enseignement transmis avec tant de générosité.

(Ré)interpréter

Le tarot de Marseille est un jeu, avant tout. C’est un objet créatif qui accompagne l’échange, le dialogue, la communication. Il aide à mettre en mots, à traduire des expériences qui peuvent parfois nous sembler abstraites ou floues. Il est un miroir qui permet à la fois une mise à distance mais aussi une observation de nos propres mécanismes intérieurs. Lorsqu’il se partage, avec l’aide d’une personne extérieure, il permet de prendre du recul et d’observer ces processus autrement. 

Les mots sont aussi liés aussi à une culture, un temps donné. Oraux, ils voyagent, rebondissent, s’activent de bouches en bouches. Ils peuvent aussi brouiller, figer et déterminer. Tout n’est qu’interprétation. Nous vivons dans un système binaire qui a donné naissance au sexisme, au racisme, au validisme et au classisme, ce qui influence notre perception du monde. Nous sommes bercé·es par la pensée capitaliste et éduqué·es par les notions de productivité et de rentabilité qui nous encouragent à une évolution et une croissance permanente. Ce n’est pas sans impact sur notre manière d’interpréter les cartes.

Pour créer ce jeu, j’ai choisi de déjouer autant que possible ces repères induits. J’ai cherché à m’inspirer d’autres modèles, d’autres histoires et récits, d’autres expériences. J’ai transformé de nombreuses cartes, en proposant d’autres personnages. J’ai aussi choisi de nommer autrement certaines de ces arcanes. Malgré tout, il me semblait nécessaire de ne pas nourrir la rupture mais, au contraire, la symbiose. Je ne souhaitais pas effacer tous ces fondements, ces archétypes mais leur faire face et les rencontrer pour créer un dialogue et un échange. Cela m’a aidé à les nuancer, à écouter leurs contradictions mais aussi les miennes pour mieux les accueillir. 

Cela a été pour moi un véritable travail réparateur. J’ai pris soin de ces différentes parts dans toute leur complexité. Symbiosis m’a ainsi accompagnée dans ce chemin de transformation et d’hybridation. J’espère qu’il pourra nourrir le vôtre.  


VIII • La justesse

Le houx est le 8ème arbre de l’année, la justesse la VIIIème carte du Tarot symbiosis.

La Justesse, la carte VIII du tarot symbiosis

Associée à la prise de décision, l’ordre et la maîtrise, la carte de la justice symbolise dans le Tarot de Marseille l’équilibre, l’harmonie, la nuance et la recherche de la vérité. Elle est la « loi sociale », la confrontation au jugement extérieur et la nécessaire prise de responsabilité. Tranchante, elle invite au « juste milieu », elle confronte cellui qui la rencontre et lui fait face avec clairvoyance.

Pour le symbiosis tarot, je me suis inspirée de cet archétype que j’ai relié au mythe grec de Thémis. Fille d’Ouranos et de Gaïa, elle représente la « loi divine ». Son nom signifie « ce qui est posé, établi ». Épouse et conseillère de Zeus, elle donne vie à Astrée (la fille-éclair), aux Heures (le temps), aux Moires (le destin) et à Concorde (la paix et l’harmonie). Au cœur des débats, elle pèse les arguments des parties qui s’opposent. Sage, elle est aussi devineresse.

Au bout d’un chemin aride et incandescent, emporté·e dans notre course effrénée, nous n’avons pas d’autres choix que de lui faire face. Elle est un souffle détonnant et ses mains relevées nous imposent le respect. Ce qui nous apparaît comme un chaos est un alignement, éclairé par les étoiles. Nos intentions sont mises à nu par son regard perçant, son troisième œil clairvoyant et ses oreilles affutées : elle sait. Reliée à la lune, elle connaît les secrets de notre ombre et nous expose nos contours comme les limites de notre égo. Notre liberté s’arrête là où commence celle des autres. Pour intégrer cet écosystème, il nous faudra donc nous (ré)ajuster. Elle est un seuil, un portail, un passage qui peut nous guider vers notre révolution si nous l’acceptons. La montagne nous apparaît, le chemin peut alors commencer.

pensais-tu échapper à la faim ?
à la soif ?
à la peur ?
au destin ?
pensais-tu te cacher sous ton armure et tes charmes ?

rien ne résiste à sa tranchante et belle lame,
elle seule sait où se logent
les sentences qui désarment

et peut-être alors le seuil t’apparaîtra

le poème qui accompagne la carte VIII

IIII • Le Souverain

Avril est le 4ème mois de l’année, le souverain la IIIIème carte du Tarot symbiosis.

Associée au travail de la terre, à l’enracinement dans la matière, la carte de l’empereur symbolise dans le Tarot de Marseille la stabilité, l’ancrage, la réalisation et la prise de responsabilité. Il est le « père », la force tranquille, le protecteur et le gardien. Son intelligence est fine, il écoute avec sensibilité pour agir avec nuance et assurer le bien des sien·nes.

Le Souverain, la carte IIII du tarot symbiosis

Pour le symbiosis tarot, je me suis inspiré de cet archétype que j’ai relié au mythe grec d’Achélôos. Fils du Titan Océan et de Téthys, protecteur des eaux limpides, il est polymorphe, apparaissant comme un serpent, un taureau ou les deux à la fois. La croyance en un taureau maître des eaux se rencontre depuis des temps très anciens dans de nombreuses régions du monde. Chez les étrusques, Achélôos orne de nombreux bijoux, des temples, des chaudrons et même des tombeaux. Symbole d’abondance, de vitalité et de vie, il rappelle que sans eau, la terre ne peut pas être fertilisée. L’union de la terre et de l’eau assure aux racines leur croissance et à la vie son déploiement.

Emergeant d’une fleur de lotus, symbole de protection et de sagesse, le souverain nous fait face de manière bienveillante. Ses jambes sont une queue de serpent qui se dédouble, comme des racines, elles lui offrent de la stabilité malgré l’apparente instabilité. Son énergie est fertile, elle est une manifestation renouvelée de la vie. Connecté aux quatre directions, il est vêtu comme un prince et régit avec compassion un royaume d’abondance. L’intelligence et la parole fine du faucon l’aide à veiller sur ses proches, il peut les protéger. Souverain, son corps est sa maison.

tu es l’architecte de ta vie
à tout moment
tu peux redéfinir
les fondements de ton existence
peut-être est-ce un temple
un château, une maison, un corps
ou tout à la fois

fais en sorte que ces murs te protègent
jamais qu’ils ne t’enferment

use de la finesse de tes pensées
pour ériger le plus beau des palais

le poème qui accompagne la carte IIII

III • Mater

Mars est le 3ème mois de l’année, mater la IIIème carte du Tarot symbiosis.

Associée à l’arrivée du printemps et à l’éveil de la nature, comme le bélier qui perce la terre, la carte de L’impératrice symbolise dans le Tarot de Marseille une parole franche, directe, une explosion de vie et de créativité. Elle est la « mère », la puissance jaillissante, la vitalité d’un corps qui s’éprouve.

Mater, la carte III du tarot symbiosis

Pour le symbiosis tarot, je me suis inspirée de cet archétype que j’ai relié au mythe grec de Gaïa, qui signifie en grec ancien « la Terre ». Nommée aussitôt après le Chaos, elle enfante les premiers êtres divins, les Titans, et de nombreuses créatures parfois monstrueuses. Seule, elle donne vie au ciel (Ouranos), à l’océan (Pontos) et aux Montagnes (Ouréa). Ensuite, arrivent la mer (Téthys), le temps (Cronos) et la Justice (Thémis). Gaïa n’est pas forcément une figure d’harmonie ni même une mère bienveillante. Elle est la puissance incarnée, l’immensité d’un monde qui nous force à l’humilité.

Ses ailes sont nos poumons qui, comme des branches bourgeonnantes, nous invitent à ouvrir nos sens et à capter la vie qui nous entoure. Ses mains sont créatrices tout autant que son ventre d’où apparaissent des sources fertiles et des serpents flamboyants. Son manteau, couvert de feuilles, nous rappelle que nos peaux sont des capteurs qui nous connectent à cette immensité. Souveraine, elle nous invite à nous affirmer.

elle est l’artère
le détroit
le roc que rien ne broie

dans un grondement splendide
elle émerge, vive
et se déploie

de son ventre
les torrents jaillissent
et la vie se dessine
les sols acides
crachent leur résine
et les bouches avides s’y nourrissent

le poème qui accompagne la carte III