Le calendrier des arbres

Pour les Celtes, l’année était vécue en contact avec les arbres. Ils étaient divin. Cette année, je vous partagerai donc mois après mois le calendrier des arbres, ses symboliques et ses histoires ! Nos régions sont riches de multiples essences et certaines d’entre elles étaient au centre de l’attention durant quelques semaines. Ce n’est pas un choix du hasard, car chacune offre sa singularité à cette période qui lui est propre. La culture celte était orale, de nombreuses traces ont donc été perdues ou transformées. Ces pratiques étaient et restent hybrides, en mouvement permanent et vectrices de liberté comme de créativité. J’en profite donc pour tisser ces liens, activer la poésie du vivant et y retrouver une part de magie. 


LE FRÊNE – du 21 février au 20 mars
Ogham : « Nuin » (ᚅ) = Sagesse ; spiritualité ; ressourcement.

Le frêne fait partie de la famille des Oléacées et réunit une soixantaine d’espèces qui vivent principalement dans les forêts tempérées. Ses feuilles sont « pennées » c’est-à-dire qu’elles sont en général 7 à être alignées autour d’une tige comme les poils d’une plume. Ses bourgeons noirs apparaissent dès l’hiver, un bon moyen pour le reconnaître ! Ses fleurs recouvrent ses branches avant le retour des feuilles en avril et donnent des fruits, des samares, qui se solidarisent en grappe et qu’on appelle à certains endroits des « langues d’oiseau ». Le frêne peut atteindre 40 mètres de hauteur et vivre jusqu’à 250 ans, on en retrouve même à 1 400 mètres d’altitude. Il aime la lumière, les sols frais et profonds. Il stabilise les berges en évitant l’érosion grâce à ses profondes racines.

Le frêne est un abri pour de nombreuses espèces. Il accueille entre autres les pouillots, les fauvettes à tête noire, les mésanges, les pinsons, les grosbec casse-noyaux et les pics. Les mulots, les écureuils et les bouvreuils pivoine profitent de ses graines tandis que les cervidés se régalent de son feuillage. Il héberge aussi des chauves-souris. Les grenouilles et les têtards se nourrissent de ses feuilles qui tombent au sol ou dans les étangs. En vieillissant, son écorce se crevasse et abrite de nombreux insectes. L’agrile du frêne, un coléoptère très résistant, réalise son cycle vital sur le frêne et le fragilise énormément. Une espèce de champignon d’origine inconnue, la chalarose, lui cause de graves problèmes, provoquant sa disparition dans de nombreuses régions dans le monde.

 Le frêne a des propriétés anti-inflammatoires. Il prend soin des articulations, des tendons et des ligaments, ce qui lui vaudra le surnom « d’arbre des centenaires ». Puissant stimulant des reins, le macérât de bourgeons de frêne agit surtout en tant que draineur. Il permet ainsi de rétablir l’équilibre du système ostéo-articulaire en nettoyant le corps de l’excès d’acide urique et de ses toxines.

Frêne vient du latin fraxinus qui rappelle le grec phraxis « clôture, haie ». Il prend source dans l’indo-européen commun *bherǝĝ-, « blanc, brillant », qui donne d’ailleurs le mot « bright » en anglais. En allemand, « Esche » prend origine dans le mot ask qui signifie « javelot, lance », des armes couramment fabriquées à partir de son bois. On l’appelle par endroit l’arbre aux arcs, l’arbre aux chèvres ou encore l’arbre aux blessures. En anglais, il s’appelle « ash », comme le mot cendre.

Dans l’Ogham, le frêne est « Nuin », la 5ème lettre de l’alphabet des arbres celtes. Dans la cosmologie celtique, il connecte les trois cercles de l’existence – Abred, Gwynedd et Ceugant – que l’on interprète comme le passé, le présent et le futur ou pour certain·es la confusion, l’équilibre et la force créatrice. Le frêne nous enseigne que nous sommes dans une continuelle renaissance, faite de cercle en cercle comme les stries d’un arbre. Tout est connecté, le bas comme le haut, le terrestre comme le spirituel, le soi et le cosmos. Le frêne est donc symbole de ressourcement, il est associé au Macrocosme et Microcosme, à la sagesse et la spiritualité.

Chez les grec·ques ancien·nes, il incarne la stabilité absolue. Achille possède un javelot fait de son bois. En Wallonie, il est l’arbre de l’hospitalité. Pour les peuples du nord, l’Yggdrasil est un frêne. Arbre fondateur, il prend les racines très profondément ce qui laissait penser qu’il pouvait atteindre le noyau de la terre. Ses branches, en s’élevant très haut, atteignent le cosmos. Il connecte ainsi le monde souterrain, du milieu et d’en haut et charpente l’univers. On raconte que le dieu primordial Odin se serait pendu par les pieds à ses branches pendant 9 jours. Il aurait reçu le sens des runes en plongeant ses yeux au fond d’un plan d’eau au pied de l’arbre. Cela rappelle en de nombreux points la carte XII du Tarot de Marseille, « le pendu ». Elle parle de lâcher-prise, de changement de perspective, de gestation et de connexion au grand tout.

Sur cette photo, nous sommes à Liège, entre le quartier du Longdoz et d’Amercœur en hiver 1994. J’ai 3 ans et ne me demandez pas comment j’ai atterri au haut du frêne qui trône au cœur de mon jardin ! Ma famille a emménagé dans cette maison lorsque j’avais 6 mois, j’ai donc grandi sous la protection de cet arbre centenaire. Il pourrait avoir plus de 150 ans. Cette partie du jardin nous a généreusement été laissée par notre voisine, Fefeye, ce qui nous a permis de profiter d’un terrain de jeu splendide en pleine ville. Autant dire que je me suis suspendue à ses branches plus d’une fois, que mes frères y ont ébauché le projet d’une cabane et que les oiseaux se plaisent encore à roucouler sous sa cime. Je l’appelle Simone depuis toujours.

La Penfeld prend sa source à Guipavas et parcourt 16 km jusqu’à la rade de Brest. Au début du premier mIl a été taillé à de nombreuses reprises, ce qui n’a pas freiné son développement. Il fait ainsi partie de la famille des « trognes », ces arbres régulièrement taillés ou mangés par les humain·es et les animaux. Ils forment des boursouflures et des replis qui leur offrent une allure toute particulière. Simone est aussi un arbre creux. On a longtemps pensé que les arbres creux étaient des arbres morts, ce qui n’est pas le cas. Ces creux sont des ressources très précieuses et un habitat pour de nombreux oiseaux et insectes. Je soupçonne d’ailleurs que des chauves-souris s’y établissent depuis plusieurs générations ! 

Lorsque je repense à mon enfance, me vient immédiatement en tête « Anne de Green Gables » de Lucy Maud Montgommery. Même si je l’ai lu à 30 ans, ça a été un souffle de joie de rencontrer la petite Anne. J’observe à quel point, enfant, notre regard sur notre environnement est vivant, magique, poétique et puissant. Mon jardin était pour moi immense et riche d’une vie éclatante. Il occupe encore très régulièrement mes rêves où, sous le regard bienveillant de Simone, je poursuis mes explorations.


LE SAULE – du 24 janvier au 20 février
Ogham : « Saille » (ᚄ) = Fertilité ; coopération ; créativité.

✧ « Saule » vient du vieux francique salha apparenté au germain salχaz et à l’anglais willow. Ils sont tous issus de la même racine indo-européenne wel qui signifie « rouler, tourner ». Le latin salix fait quant à lui référence au celtique Sal (proche de) et Lis (l’eau). Arbre de la lune, il invite à  accepter nos émotions profondes et à nous y connecter. Il active l’imagination et l’intuition et amène l’inspiration en nous reliant à la beauté. Il propose d’accepter les transformations incessantes que nous vivons dans les différents mondes. Arbre de la fécondité et de la maternité, il nous rappelle que les réponses sont en nous-même. En plongeant dans nos eaux intérieures, nous pouvons retrouver notre rythme profond et y déceler la lumière. Nous avons la possibilité de choisir ce que nous désirons créer.

✧ Le saule est antalgique et anti-inflammatoire. Ses feuilles aident à soigner les verrues. Le macérat de bourgeons de Saule blanc est connu pour son action calmante. Il soulage les angoisses, apaise les troubles du sommeil et les troubles digestifs d’origine nerveuse. Son écorce est à la base de l’aspirine. Elle a des vertus fluidifiante pour le sang et soulage les douleurs inflammatoires. Elle aide aussi à calmer les douleurs liées à l’arthrose.


L’AULNE – du 27 décembre au 23 janvier
Ogham : « Fearn » (ᚃ) = la réconciliation ; les émotions ; la divination.

✧ « Aulne » vient du latin alnus qui fait référence à un lieu humide, un marais, un marécage, un espace où l’eau est très présente. Il veille sur les rivières, le flux de l’eau, qu’on associe généralement aux émotions et à la divination. Il forme des ponts, résout les conflits et aide à la réconciliation. Il prend soin et offre du repos. Il ouvre à la douceur, à la persévérance sereine grâce à une vision profonde.

✧ Le macérat de bourgeons d’Aulne glutineux a une action dite « à double vitesse » : il agit comme un antibiotique naturel, en traitant les infections et inflammations, et il a une action préventive, en préservant la mémoire.


LE SORBIER – du 29 novembre au 26 décembre
Ogham : « Luis » (|=) = la force vitale ; l’amour ; la protection.

✧ « Sorbier » vient du latin Sorbe qui prend racine dans le mot indo-européen Sur, qui signifie « rouge ». En gaélique, il est appelé rowan et est à la racine du mot « red » en anglais. Une expression dit que « Là où poussent les sorbiers, les druides ne sont pas loin ». Il était considéré comme la nourriture des dieux. Associé au point cardinal du nord, il accompagne le processus d’introspection qui guide l’hiver. « Luis » invite ainsi à vaincre ses propres doutes et à faire preuve de prudence. Protecteur contre les enchantements, il accompagne de nombreuses incantations magiques. Associé au mystère et à l’intuition, il ouvre les portes de l’inconscient.

✧ En gemmothérapie, le bourgeon de sorbier est un fluidifiant sanguin, il aide à la régénération et la cicatrisation du tissu veineux. Il soigne ainsi les acouphènes et les maux de tête.


LE BOULEAU – du 1er novembre au 28 novembre
Ogham : « Beth » (|—) = le pouvoir ; l’âge ; le commencement ; l’élan.

✧ « Bouleau » prend racine dans le mot indo-européen Bhirg, qui est aussi à l’origine de Brigitte, la déesse la plus importante du panthéon celte. On la dit patronne des bardes, des forgeron·nes et des guérisseur·euses. Arbre de la déesse, le bouleau porte donc en lui la force de la lumière et du commencement des temps.

✧ En décoction, ses feuilles, bourgeons ou écorce sont détoxifiantes. Elles nettoient et réparent les reins et purifient le foie. En usage externe, il est excellent pour la peau, soigne les eczémas, les problèmes de peau ou les blessures. En gemmothérapie, le macérât de bourgeon de bouleau aide à drainer le corps. Il est anti-inflammatoire et stimule la régénération osseuse. 


Sources :

Florence Laporte et Isabelle Frances, La magie des druides : secrets et symbolique des plantes sacrées (Rustica, 2018)
Sharlyn Hidalgo, Rites de magie celtique : les cérémonies des treize lunes et de Samhain (Danaé, 2020)
Liz Murray, Oracle celtes des arbres (Le Courrier du Livre, 2015)
Philippe Domont et Édith Montelle, Histoires d’arbres : des sciences aux contes (Éditions Delachaux et Niestlé 2003, réédition 2014)
Robert HarrisonForêts : essai sur l’imaginaire occidental (1992)
François Couplan et Gérard Debuigne, Le petit Larousse des plantes médicinales (2009)