Les amitiés célestes

Nous sommes en mouvement permanent autour du soleil. Nous voyageons sous le regard des astres et des étoiles depuis des millénaires. Lorsque nos ancêtres ont à leur tour posé les yeux vers cet immensité, iels ont cherchés à leur donner des visages, des histoires, des pensées. Iels leur prêtèrent des aventures incroyables et des talents divins, offrant ainsi à ses spectateur·rices des conseils avisés, des présages ou du courage lorsque tout semblait désespéré. Répétés inlassablement, écrits et partagés, ces contes témoignent aujourd’hui du foisonnement créatif des différentes cultures qui les abritent. C’est là que prend source l’astrologie. Avec l’aide de figures mythologiques, animales, humaines ou les deux, le céleste devient terrestre. À notre naissance, le ciel s’imprime en nous : se rencontrent alors ces récits pour nous aider à comprendre, déceler, trouver, soigner ou accepter nos propres énigmes intérieures. Nous pouvons ainsi cheminer vers notre individualité tout en nous ouvrant au collectif, à la beauté de son alterité et à la richesse de sa pluralité.

Chaque lunaison s’inscrit dans une certaine direction et trace ainsi son chemin parmi les astres. La lune y fait elle aussi la rencontre de ces légendes et des mythes qui ont bercés nos aïeul·les. Chaque signe du zodiaque, inscrit dans une toile complexe d’alliance, d’opposition et de contradiction, offre ainsi à entendre son propre chant / contre-chant.

Nous vivons dans une culture qui s’inscrit sur un principe de binarité, nourrit par la notion de dualité. Nous séparons les hommes des femmes, le blanc du noir, le bien du mal. Nous héritons aussi des nombreux traumatismes qui en découlent. L’astrologie reflète également cette tradition. Pourtant, nous sommes organiques. Nos corps sont porteurs d’une rencontre, celle des éléments mais aussi de notre contact permanent avec les flux, les émanations du vivant qui nous embrassent. Nous sommes avec et dans cette unité mouvante. Les nouvelles lunes et les pleines lunes, au lieu de s’opposer comme il est couramment pensé, se parlent, dialoguent, échangent. Elles proposent des coalitions parfois conflictuelle mais toujours fertiles. J’ai donc cherché à explorer ces liens, ces mythes qui réunissent et qui font se rencontrer ces dualités pour nourrir une forme d’entraide qui se joue à chaque instant à l’intérieur et autour de nous.

Certaines alliances sont déjà écrites : le Scorpion est lié au Taureau comme les signes de terre sont toujours liés aux signes d’eau. Le bélier est lié à la Balance, comme se complaisent les signes de feu et les signe d’air. Ce sont des énergies qui se complètent, s’entraident, se renforcent. Mais les lunaisons ne sont pas toujours aussi prévisibles. Certaines alliances s’inversent et font précéder les pleines lunes aux nouvelles lunes, comme ça a été le cas cette année. Il nous est alors possible d’épouser ces renversements pour explorer de nouveaux prismes. Certaines nouvelles lunes reviennent à la rencontre d’un même signe a deux reprises, comme ce printemps où le bélier nous a à doublement poussé à sortir du lit vert. Alors de nouvelles alliances se forment et les couleurs qu’elles nous proposent d’épouser nous ouvrent de nouveaux paysages. Nous pouvons ainsi penser, rêver, créer ces nouveaux liens et co-exister avec nos multiplicités.

J’aime partir à la recherche des mythes et légendes qui mettent en lien ces alliances et vous les partager. 

Le 11 janvier 2024 • Alliance entre le Capricorne et le lion

© la mante des eaux

Avec cette année nouvelle qui commence, c’est aussi une lunaison nouvelle qui s’ouvre. Ce jeudi, la nouvelle lune sous le signe du capricorne, poisson-chèvre et génie protecteur, entame la danse pour rejoindre une lune pleine en lion, ce flamboyant félin au cœur tendre. Le feu et la terre, mis en contact, se renforcent positivement. Cette énergie demande aussi à être canalisée : elle peut se surexciter ou, au contraire, entrer en conflit.

Cette union entre le capricorne et le lion m’évoque Bès. Originaire du Soudan, ce curieux petit être en a séduit plus d’un·e grâce à sa grande qualité, la jovialité. Cornu, il revêt aussi des aspects félins. C’est un musicien et il est avec sa mère Beset un protecteur du foyer, de la vie quotidienne, de la gestation, des enfants et de la maternité. Cette dernière lui ressemble en de nombreux points, avec quelques traits ophidiens. Ensemble, iels protègent les nouveaux nés en jouant de la musique et en dansant autour du berceau. Son couteau assure sa défense mais pourrait aussi bien aider à couper le cordon ombilical lors de la naissance.

Bès prend soin du sommeil et protège des ombres de la nuit. Pour faire fuir les mauvais esprits, les reptiles et les insectes, il peut se montrer particulièrement effrayant grâce à ses grimaces, sa barbe et ses sourcils hirsutes. Il a plus d’un tour dans son sac, ses danses grotesques et ses grimaces affreuses peuvent terroriser autant que faire rire.

L’hiver est une période de vulnérabilité : le froid impose l’intériorité, les maladies qui circulent demandent aussi à se protéger du monde extérieur… Le foyer redessine les contours protecteurs. Faut-il montrer les dents, sortir les armes, défendre ces limites ?

Une des grandes pratiques d’autodéfense féministe est, lorsque l’on se sent en insécurité face à un potentiel agresseur, de faire des grimaces, des danses curieuses ou des bruits farfelus. Il en résulte une forme de surprise qui décontenance l’adversaire. Le jeu, la joie, ramènent du pouvoir là où la peur fait de nous une proie. Il en est de même de notre rapport à « l’ombre ». Souvent tributaire d’une imagerie effrayante, elle renforce notre anxiété. Et si nous choisissions d’y mettre d’autres couleurs ?

Relégué à l’enfance, le jeu éveille les sens, l’esprit, il est créateur et connecte à autrui. Quelle place lui laissons-nous dans notre quotidien ? Comment peut-il nous aider à nous lier aux autres ? Comment peut-il nous assister dans les tâches du quotidien ou la lourdeur de certaines réalités ?

Le 12 décembre 2023 • Alliance entre le Sagittaire et le Cancer

© la mante des eaux

Cette union entre le sagittaire et le cancer, le feu et l’eau, m’évoque les ichthyocentaures. Si la figure est présente dès l’Antiquité, le terme, qui pourrait signifier « pêcheur au harpon » ou « mi-centaure, mi-poisson », n’apparait qu’au 12eme siècle. L’un d’eux capte mon attention : c’est Aphros, « Écume ». Il est le petit-fils de Gaïa, le fils de Cronos et de l’océanide Philyra. Ce vieil homme de la mer est le frère de l’enseignant Chiron et le père d’Aphrodite. Sa demeure est dans l’océan mais son corps est à la fois celui d’un cheval, d’un humain et d’un poisson. Entre ses cheveux d’algues se cache un homard dont les pinces forment des antennes.  

En ce mois de décembre, en plein cœur des longues nuits, nous célébrons le père, que l’on appelle Noël, mais aussi la naissance du fils, considéré comme le messie. Si ce sont ces figures masculines qui prédominent, la période invite surtout à la fête et met au cœur le foyer et la famille. Un moment qui peut s’avérer réconfortant pour certain·es, douloureux pour d’autres. Parce qu’au fond, qu’est-ce qu’une famille ? Un lien de sang ? De cohabitation ? Une histoire que l’on porte ? 

La philosophe Donna Haraway propose un autre récit. Et si nous faisions des parents, pas des enfants ? Dans nos mondes troubles et troublants, elle propose de créer de la parenté — et la reconnaître. C’est une invitation à se libérer des liens d’ascendance et de descendance, des généalogies. Une possibilité de se défamiliariser (en douceur !) et de s’apparenter sans lien de naissance ou de sang. Se faire écho les un·e(x)s les autres. Adoptez des grands-parents, des mères, des sœurs mais aussi des animaux, des êtres vivants et non-humains. Nous nous rappelons alors que nous faisons partie d’un tout, et c’est ce que nous pouvons choisir d’embrasser et de célébrer. Cohabiter ensemble, dans ce trouble vivant et fertile. 

Aphros ne choisit pas l’eau ou le feu, il est cette hybridité. Peut-être qu’à travers lui, cette amitié céleste entre le sagittaire et le cancer, nous pourrions penser (et panser) ces liens que nous tissons autour de nous. Les écouter dans toute leur multiplicité. Observer la place que nous prenons dans cette grande toile et y allumer, en confiance, toutes nos antennes pour vibrer autrement. Baisser les barrières, accueillir la tendresse. Faire venir, dans son foyer, tous ces « autres » vivants pour, ensemble, se tenir chaud à l’arrivée de l’hiver. 

Le 13 novembre octobre 2023 • Alliance entre le Scorpion et les Gémeaux

© la mante des eaux

En cette lunaison, s’unissent le Scorpion et les Gémeaux. Une amitié céleste qui remue ciel et terre. S’entremêlent l’eau et l’air, depuis les sources des profondeurs de la terre jusqu’à la légèreté des nuages. Ce pourrait être un geyser. Ou un ouragan. Au milieu de ce tumulte se distingue deux formes, ce sont les Harpies. 

En grec ancien 𝐻𝑎𝑟𝑝𝑢𝑖𝑎pourrait signifier « Ravisseuse » mais c’est dans « saisir » qu’il prend origine. Elles sont d’abord deux sœurs qu’Hésiode, dans sa Théogonie (8ème siècle Av. J-C),  nomme Aello (pluie torrentielle) et Ocypète (vol rapide). Leurs chevelures sont saisissantes de beauté. Elles font partie de la grande famille des sirènes, ces êtres hybrides et puissants, mi-femmes mi-oiseaux. Rares sont celleux qui savent d’où elles viennent mais certain·es les situent à la porte du monde souterrain où elles guident les âmes des défunt·es vers les profondeurs de la terre.

À la fin de l’Antiquité, sous la plume de Virgile, elles deviennent monstrueuses et personnifient la dévastation et la vengeance. Leur pouvoir ronge leur chair, elles ne sont jamais rassasiées. Elles prennent la forme des vautours, oiseaux de mauvaise augure. Leurs ongles de charognardes, crochus et acérés, sont capables de tout saisir : la nourriture, les biens, les enfants et même les âmes. Les divinités, elles aussi, tremblent. Criardes, méchantes, hargneuses et querelleuses : est-ce des harpies ou des sorcières dont on parle ? L’histoire se tisse, se transforme et nos imaginaires aussi.

On ne sait plus réellement qui se venge de qui. Les harpies forcent-elles les humain·es à l’humilité ? Les humain·es refusent-iels de reconnaître leur vulnérabilité ? 

Elles figurent les tempêtes, captivantes, saisissantes, qui allient l’eau et l’air. Elles sont voleuses mais qu’est-ce qui nous appartient réellement ? Lorsque l’on pompe les ressources terrestres, il reste un prix à payer. Un tumulte extrême, des hémorragies, des renversements. 

Le 14 octobre 2023 • Alliance entre la Balance et le Taureau

La nouvelle lune est en Balance. Liée à l’air, principe de communication et d’intellect, elle est gouvernée par Vénus… Aphrodite est toujours avec nous ! Elle accompagne le début de l’automne et la beauté de la mue de la nature. Signe double, elle invite à l’équilibre et à l’harmonie. La pleine lune, quant à elle, sera en taureau. Guidé par Vénus également, signe de terre, il est lié au printemps et impulse son énergie de fertilité et de vitalité. Cette alliance entre la balance et le taureau me fait penser aux Lamassu.

Les Lamassu ou aladlammû sont des créatures légendaires sans genre particulier. Bienfaisantes, elles agissent comme des anges gardiens auprès des personnes qui les invoquent. Elles pourraient personnifier Lama, une déesse sumérienne que l’on traduit littéralement par « esprit protecteur ». On en connaît plusieurs versions. Des statuettes ont été retrouvées dans le temple d’Ishtar et prennent l’apparence de femme vêtue d’une longue robe à volant. D’autres représentent des figures humaines avec un corps et des oreilles de taureaux, deux ou trois cornes et 5 pattes, des ailes d’aigle et coiffé d’une haute tiare. Ces dernières peuvent mesurer 4,20 m de haut et sont installées aux portes des temples et des palais. Elles protègent ainsi l’intériorité des forces du chaos et des maux qui les accompagnent. Elles symbolisent le courage et la force alliées à l’intelligence, garantissant ainsi la stabilité. Plus de 50 taureaux ailés encadraient les 8 portes monumentales de la ville de Khorsabad, au nord de l’Irak.

Alors que cette lunaison nous fait traverser Samhain, le portail de la saison sombre, les lamassus nous proposent peut-être de penser nos fondations et d’affirmer notre souveraineté. L’adversité que nous voyons en dehors de nous n’est qu’un reflet de celle qui se joue en nous. Après avoir tendu la main à notre part d’ombre lors de dernière pleine lune, comment pouvons-nous cultiver concrètement cet équilibre intérieur entre nos polarités ? L’harmonie régénératrice pourra alors émerger de l’apparent chaos, éclairer sa fertilité tout en nous offrant une protection bien méritée.

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Le 15 septembre 2023 • Alliance entre la Vierge et le Bélier

La nouvelle lune est en Vierge. Liée à la terre, principe d’ancrage et de stabilité, elle est gouvernée par Mercure. Elle accompagne la fin de l’été et les moissons. Méthodique, elle invite à s’organiser en prenant soin de ce qui a été récolté pour en profiter tout l’hiver mais aussi réunir les graines qui seront plantées le printemps prochain. La pleine lune, quant à elle, sera en bélier. Guidé par Mars, signe de feu, il est lié au printemps et impulse son énergie d’affirmation et d’enthousiasme. Cette alliance entre le la vierge et le bélier me fait penser à Aphrodite Pandemos.

Aphrodite ou Vénus est une déesse de l’amour, de la beauté et du plaisir. Son nom pourrait signifier venue de l’écume. Elle est liée à la fois à la terre, à l’eau et au monde céleste. Si elle apparaît généralement nue, ses représentations sont diversifiées. Parmi elles, Aphrodite Pandemos (du grec ancien « tout le peuple ») chevauche un bouc. Elle siégeait au cœur de l’Agora, ce qui faisait d’elle une déesse proche du peuple. Elle pourrait aussi symboliser le passage de l’enfance à la puberté et protègeant les premières aventures amoureuses. Mais, d’après Platon, Pandemos peut signifier « commune, vulgaire ». Aphrodite Ouranos (la céleste) serait alors la forme d’amour la plus subtile (la chasteté), là où Aphrodite Pandemos révèle un amour immoral (charnel) — ce qui nous ramène à l’éternelle dualité de la vierge et de la putain, la séparation corps / esprit, divin / terrestre.

Mon corps est ma chair, mon corps m’est cher. L’amour nous donne vie, nous connecte et nous relie à nos sens. Notre incarnation nous permet de toucher et d’être touché·e. Aphrodite Pandemos unit la vierge et le bélier et nous rappelle l’ambivalence du désir amoureux. La sensualité peut être plurielle et guérisseuse. C’est alors qu’Aphrodite devient redoutable, tumultueuse voire dangereuse : un être qui laisse jaillir son désir intérieur, son expressivité propre (re)devient aussi souverain et agissant.

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Le 16 août 2023 • Alliance entre le Lion et les Poissons

La nouvelle lune est en Lion. Signe de feu, il est un principe d’énergie gouverné par le soleil. Il accompagne la période de l’été, le mûrissement des fruits et l’abondance. La pleine lune, quant à elle, est en poissons. Guidés par Neptune, ils sont un signe double voire insaisissable. Bien qu’instables et émotionnels, ils sont liés aux flux de la vie et à ses mystères. On raconte que le cortège d’Hécate, la déesse de la lune noire, est mené par un lion à queue de sirène. Pour ma part, cette alliance entre le lion et le poisson me fait penser au Chapalu.

Le Chapalu, en gallois 𝐶𝑎𝑡ℎ 𝑃𝑎𝑙𝑢𝑔, est un petit chat noir venu de l’eau avec des pattes de dragon et une queue de lion. « Paluds » signifie « marais » en vieux français, mais il pourrait aussi faire référence au dieu Lug. Certain·es le décrivent comme un poisson à l’apparence d’un chat qui devient gigantesque et monstrueux. Domestiqué en Égypte antique, où il préserve les récoltes des ravageurs, le chat reste sauvage en Europe du Nord et se voit presque toujours associé aux enfers. Dans les manuscrits chrétiens du 12ème et 13ème siècle, il est une créature démoniaque qui accompagne les sorcières. On lui retrouve pourtant une histoire bien plus ancienne. Chez les Celtes, il est le gardien des passages aquatiques vers l’Autre Monde, ce qui en fait une personnification de la mort. Gardien d’un trésor, il teste les guerriers dans des combat sanglant. Né d’une relation non-consentie, le Chapalu serait peut-être un prince victime d’un enchantement. Il est lié à la Fée Morgane et c’est le Roi Arthur qui lui fera face dans un combat redoutable avant de lui redonner sa forme princière. 

La force et la faiblesse du lion est son besoin d’amour, dans une quête éternelle et inassouvissable. L’empathie des poissons l’invite peut-être à dépasser ses propres barrières pour se laisser bercer par le flux du vivant dans toutes sa pluralité. En se reliant à l’impermanence de cette immensité, où se loge la plus chaotique des beautés, il peut alors reprendre foi en lui et s’abreuver à la source d’amour intarissable et créatrice qu’est la vie. Alors, peut-être, le monstre peut redevenir prince•x.

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Le 23 décembre 2022 • Alliance entre le Capricorne et le Cancer

la nouvelle lune est en Capricorne, un signe de terre guidé par Saturne, planète des leçons de vie, du karma et de la discipline. Le capricorne vient du latin capricornus (« à cornes de chèvre »), il est représenté par un animal hybride, mi-bouc mi-poisson. On l’associe à Pan, divinité de la nature, protecteur des bergers et des troupeaux. L’opposé et complémentaire du Capricorne est le Cancer, un signe lié aux eaux primordiales, aux émotions et au soin. Tout cela m’évoque la figure d’Hécate.

Hécate est une déesse chthonienne. Son origine est aussi floue que le mystère qu’elle incarne. Elle est une déesse triple et sous ses traits se retrouvent les attributs de nombreuses autres divinités qui prendraient d’ailleurs origine en elle. Elle est honorée comme la déesse des carrefours, celle qui relie les profondeurs de la terre (qu’on associe aux enfers), la terre (le monde du milieu) et le ciel. Connectée à la lune noire, au solstice d’hiver et à la mort, elle est la source des commencements. Son visage tricéphal est représenté par une tête de lionne, une de louve et une de jument sur un corps de femme, même si les grec•ques lui donnèrent par la suite des traits humains. Elle porte une torche pour éclairer le labyrinthe des profondeurs et invite à rencontrer l’ombre. Déesse mère, elle est la puissante gardienne des magicien·nes et des sorcières.

Le capricorne porte en lui les attributs de l’hiver, par la graine qui lentement germe dans les profondeurs. En prenant place au moment du solstice d’hiver, il se connecte à la mort mais aussi à la renaissance. La vie commence dans l’ombre, nourrie par le terreau et les sources souterraines. C’est peut-être une invitation à nous connecter au mystère. En retrouvant notre structure intérieure, s’offre à nous l’opportunité d’exprimer notre essence profonde. Elle est l’étincelle de notre métamorphose. Nul ne sait ce qui (re)naîtra ni sous quelle forme.

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Le 22 novembre 2022 • Alliance entre le Sagittaire et les Gémeaux

La nouvelle lune est en Sagittaire, un signe de feu gouverné par Jupiter, la plus grande et chaude planète du système solaire. Elle est associée à la sociabilité, la coopération et l’expansion. Il est représentée par un centaure ailé qui tire à l’arc, à l’origine du mythe de Chiron. Immortel, il est réputé pour son savoir et ses pouvoirs de guérison. Mi-humain, mi-cheval, il trouve sa force dans cette hybridité indomptable. Il marque le passage entre deux mondes et partage la sagesse de cette sensibilité. Son opposé et complémentaire est le Gémeaux, signe double lié à l’air, la légèreté et l’échange. Cette alliance me rappelle le mythe des Ashvins.

Les Ashvins, en sanskrit अश्विन, « cavalier·es », sont des jumeaux divins. Le Rig Veda, un des quatre grands textes canoniques de l’hindouisme et l’un des plus anciens textes existant en langue indo-européenne, raconte leur histoire. Fils de Saranya, la déesse des nuages et l’épouse de Vivasvat, le dieu solaire, il sont jumeaux, symbole d’abondance et de fertilité. Ils apparaissent avant l’aube sur un char doré et accompagne le lever du soleil. Artistes et musiciens, ils sont médecins et en particulier d’ayurvédique. Ils portent secours et bienveillance aux humain·es et aux animaux, tout en protégeant les activités agricoles. Ils instruisent, transmettent les secrets et les recettes magiques. Ils sont à l’origine des Dioscures grecs, Castor et Pollux.

Le Sagittaire est un phare, il offre sa lumière pendant les longues nuits. Il signe la fin de l’automne et prépare à l’arrivée imminente de l’hiver. Là où le gémeaux fête les récoltes et l’été ensoleillé et collectif, le sagittaire réunit, digère ces récoltes et décèle la sagesse dans ces expériences humaines. En changeant de perspective, il se nourrit de ce terreau vivant pour y sortir l’énergie nécessaire à notre transformation et guérison. Il réchauffe les cœurs, offre confiance et détermination dans le berceau des profondeurs.

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Le 25 octobre 2022 • Alliance entre le Scorpion et le Taureau

Cette nuit, la nouvelle lune est en scorpion, un signe d’eau, symbole d’affirmation mais aussi d’(auto)destruction gouverné par pluton. Son opposé et complémentaire est le terrien et bon vivant taureau. En Grèce ancienne, le scorpion est un animal chthonien qui vient des profondeurs de la terre. Il a, comme le serpent, cette particularité d’être lié à l’eau mais aussi au feu. Pour les celtes, la terre est un organisme vivant nourri par des artères, des courants telluriques, couchées sous la surface. Elles prennent l’image de la Wouivre (vouivre), un serpent fertile et gardien de l’ombre. C’est ce que m’inspire le mythe de Tiamat.

Tiamat chez les babylonnien·nes, littéralement « mère de la vie », Nammu chez les sumérien·nes, est une déesse primordiale, créatrice du monde qui personnifie l’océan ou les sources d’eau souterraines. Il existe peu de représentation d’elle, peut-être parce qu’elle séjourne dans les profondeurs de la terre et que peu d’humain•es peuvent se vanter de l’avoir vue. Elle pourrait avoir l’apparence d’un dragon, d’un reptile, d’un animal hybride indéfinissable et effrayant. D’après les sumérien·nes, c’est elle qui transmet aux humain·es les lois de la civilisation. Pourtant, elle est insoumise, indomptable, maîtresse des forces du chaos, la source de toute vie. De nombreuses divinités portent ce double visage : amour et destruction, céleste et chthoniennes en même temps. Parmi elles, Ishtar, Argimpasa, Aphrodite, Hathor ou encore Lilith. Sans ombre, la lumière n’existe pas.

Au contraire du florissant taureau, le scorpion invite peut-être à la fertilité de la tourbe, du compost, une humidité qui décompose et recompose. C’est une gestation dans les profondeurs qui assure la (re)formation des minéraux dont le printemps pourra se nourrir. C’est aussi une traversée des eaux intérieures pour renaître à l’essentiel.

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Le 25 septembre 2022 • Alliance entre la Balance et le Bélier

La nouvelle lune est en Balance, un signe d’air guidé par Vénus qui apporte les énergies de la sensibilité et de la beauté. Instrument de mesure, elle symbolise le jugement, l’équilibre et l’ajustement. Elle vise l’harmonie entre deux polarités, le juste milieu. Elle est l’attribut de Thémis, déesse grecque de la justice et mère, entre autres, des Moires qui déterminent le destin des humain·es et des Heures qui rythment le temps. Autant dire qu’elle est redoutable ! À la base de la vie et de ses cycles, cette boucle inexorable sur laquelle nous n’avons aucune emprise, elle nous met tou·tes à égalité.

La balance se manifeste à l’automne et accompagne la descente inexorable de la sève. Après l’été, le soleil s’éloigne pour ouvrir la saison sombre. Elle invite ainsi à revenir au centre, aux racines. Elle prépare le chemin vers la fête des mort·es qui marque le commencement. Le bélier, son opposé et complémentaire, lui fait face et rappelle le printemps, son énergie de feu et d’impulsion. C’est ce que m’évoque le mythe du Bénou.

En Égypte ancienne, le Bénou est un oiseau qui représente l’âme de Ré, Dieu solaire et créateur de l’univers. Guidé par Vénus, il est lié au fleuve où tout ce qui meurt revit, le Nil, dont les crues de l’été assuraient la survie des cultures. Il est né d’un feu et se pose au centre du monde, ne faisant que de brèves apparitions avant ou après sa mort. C’est de lui qu’est issu le mythe du 𝐏𝐡𝐞𝐧𝐢𝐱, l’𝑜𝑖𝑠𝑒𝑎𝑢 𝑓𝑎𝑏𝑢𝑙𝑒𝑢𝑥. En mettant feu à son nid, le soleil consume l’oiseau et c’est ainsi qu’il renaît de ses propres cendres. Cette transformation le rend porteur d’espoir face à la désolation et à la dévastation.

Cette lunaison nous invite peut-être à abandonner l’ancien – l’ancien monde comme d’anciennes constructions. Elle propose de lâcher prise pour nous ouvrir à de nouveaux possibles. Elle mène à l’acceptation, au recueillement pour prendre soin de ce qui a été, de ce qui est et nourrir les révolutions qui viennent.

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Le 27 août 2022 • Alliance entre la Vierge et le Poisson

La nouvelle lune est en vierge, un signe de terre guidé par Mercure, planète des relations, de la vivacité d’esprit et de l’intellect. 𝑃𝑎𝑟𝑡ℎ𝑒𝑛𝑜𝑠, en grec ancien, signifie vierge et désigne le statut d’une femme qui n’est pas mariée. Il est issu de l’indo-européen commun 𝑣𝑎𝑟𝑔, « force, élan, vigueur ». De nombreuses déesses sont vierges, non pas parce qu’elles sont intouchées ou intactes mais parce qu’elles ne sont liées à aucun homme. Le signe opposé et complémentaire des vierges est le poisson. Cette alliance entre terre et eau fait écho au mythe universel de l’eau comme source de vie, abondance et guérison à laquelle est associée la déesse primordiale. Des vierges apparaissent auprès de sources devenues sacrées, comme à Lourdes, et offrent leurs miracles. Mais il y a aussi les abysses, mystérieuses et impressionnantes, où se loge un imaginaire aussi riche qu’effrayant. 𝑚𝑒𝑟𝑚𝑎𝑖𝑑 signifie en anglais « vierge des mers ». Ainsi émerge le mythe de Mélusine.

En bas-breton, 𝑚𝑒𝑙𝑢𝑠 désigne « mélodieux ». En gallois, Mélusine devient « femme qui chante ». En romain, 𝑚𝑎𝑡𝑒𝑟 𝑙𝑢𝑐𝑖𝑛𝑎 signifie Mère lumière. En héraldique, elle est une figure fantastique mi-femme, mi-serpent, aux cheveux en bataille et à la queue double. Elle est représentée avec des attributs féminins, se regarde dans une glace et se coiffe. Si cela peut sembler superficiel, elle pose surtout une énigme : que se cache-t-iel donc sous le reflet, la surface de l’eau ? Mi-humaine mi-animale, androgyne, elle nourrit de nombreux fantasmes. Avec Jean d’Arras, elle sert la pensée chevaleresques et les croisades, là où la poétesse Marie de France lui offre des traits de femme affirmée. Son aura magique encourage de nombreuses familles à se réclamer de sa lignée.

Mélusine préside aux accouchements. Peut-être invite-t-elle à faire jaillir de nos inconscients la source lumineuse qui s’y terre ? Et ainsi revêtir la couronne de notre souveraineté.

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Le 27 juillet 2022 • Alliance entre le Lion et le Verseau

La nouvelle lune est en lion. Signe de feu, il est un principe d’énergie gouverné par le soleil. Il accompagne la période de l’été, le mûrissement des fruits et l’abondance. Son signe opposé et complémentaire est l’aérien Verseau.

Dans la mythologie, le sphinx ou sphinge est un personnage hybride, mi-lion mi-oiseau, mi-feu mi-air. Iel garde les tombes et les temples. Sa plus ancienne représentation date de -9500 et se trouve à Gobekli Tepe, à Nevali en Turquie. Les grec·ques lui donnent quant à elleux un visage de femme cruelle. Elle dévorent celleux qui ne peuvent pas répondre à son énigme, son nom pouvant venir du verbe grec σφίγγω, sphíngō (« étrangler »). L’une de ses énigmes dit : « Il y a deux sœurs: l’une donne naissance à l’autre et elle, à son tour, donne naissance à la première. Qui sont les deux sœurs? » C’est le jour et la nuit, l’une n’existant pas sans l’autre.

Le sphinx, en tant que gardien·ne des portes, du passage entre l’ombre et la lumière, mort et vie, représente à la fois le feu et le souffle, condition de l’existence humaine. Iel invite à se demander « qui es-tu ? » avant de poursuivre son chemin. La figure du lion, symbole de royauté et de souveraineté, est un puissant protecteur mais aussi symbole guerrier et destructeur comme en témoigne la déesse Sekhmet chez les égyptien·nes. Une guerre qui peut être intérieure lorsqu’il s’agit de nous rencontrer profondément. L’union du lion et de l’oiseau invite peut-être à déchiffrer nos propres énigmes, nos dualités, nos jours et nos nuits, nos différents âges et les rôles qu’on leur prête. Iel propose de nous deployer avec tous ces pans et offre la liberté d’en créer de nouveaux. Une symbiose, une alchimie de nous-même et de nos possibles !